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← articles plus anciens 10 janvier 2018 , par thomas sotinel le sourire ultra-bright de netflix, au vrai goût de navet will smith, joel edgerton et lucy fry dans bright, de david eyers ©netflix le succès de bright, sans doute le long métrage le plus cher jamais produit par et mis en ligne sur netflix, laisse rêveur. disponible depuis le 22 décembre, le film de david ayers a accumulé un impressionnant tonnage d’avis négatifs sur les sites agrégateurs de critiques comme rotten tomatoes. six jours après sa mise en ligne, nielsen (la société qui mesure l’audience des médias aux etats-unis, et ailleurs) estimait que 11 millions de spectateurs s’étaient repus du spectacle de will smith en vétéran de la police de los angeles bataillant aux côtés de son collègue orque (joel edgerton, mais on s’en fiche, il est méconnaissable et inexpressif, rapport au maquillage) contre des elfes renégats et des gangs d’amérique centrale. nielsen mesure d’habitude l’audience des chaînes classiques. le chiffre de 11 millions ne concerne donc que le visionnage de bright sur des téléviseurs et ne prend pas en compte la consommation sur ordinateur, téléphone ou tablette. ce succès public massif a entraîné l’annonce d’un bright 2, toujours avec will smith, toujours dirigé par david ayer, mais sans le scénariste max landis, que nombre de critiques américains ont rendu responsable du désastre artistique. le seigneur des anneaux et the shield pourtant, en 2016, le script de max landis (fils de john animal house landis) avait provoqué des enchères vertigineuses et netflix avait dû débourser entre deux et trois millions de dollars pour obtenir le droit de produire son histoire. si vous n’êtes pas abonné à la plateforme, en voici l’essence: un mashup du seigneur des anneaux et de the shield. les espèces imaginées par tolkien, elfes, orques, fées…, ont survécu jusqu’au xxie siècle, en une coexistence plus ou moins pacifique. en acclimatant cet univers dans la mégalopole californienne, landis s’est lancé dans un exercice périlleux, mêlant les conflits communautaires de la réalité à ceux de l’ heroic fantasy. l’un des arguments principaux des contempteurs de bright tient aux fausses notes que produit ce rapprochement: le duo policier que forment smith et edgerton est travaillé par le racisme anti-orque qui mine la paix sociale à los angeles, ressortant ce vieux cliché utilisable à toutes les fins qui veut qu’on soit toujours le nègre de quelqu’un. edgar ramirez en elfe (notez l’oreille effilée) dans bright, de david ayers. © netflix ajoutez à cet essai d’ heroic sociology une accumulation épuisante de combats à l’arme à feu (le bilan humain, orquien et elfique est très lourd), des effets spéciaux envahissants et une série de visages plus ou moins connus profondément modifiés en fonction de leur appartenance communautaire (mention spéciale à edgar ramirez en elfe), et l’on obtient un brouet bruyant, dans lequel surnage des morceaux de genres américains (procedural policier, heroic fantasy, science fiction, buddy movie) dont les saveurs combinées sont un affront au bon goût. et pourtant, bright 2 sera bientôt disponible. cette décision jette un peu de lumière sur la mystérieuse économie de netflix, qui garde jalousement le secret sur les audiences des différents produits disponibles sur la plateforme. le film de david ayer a, selon la presse professionnelle hollywoodienne, coûté 90 millions de dollars (77 millions d’euros). c’est moins de la moitié d’un épisode de star wars. selon un analyste de bloomberg, si les 11 millions de couch potatoes qui ont regardé bright s’étaient déplacé jusqu’au multiplexe, le film aurait rapporté une centaine de millions de dollars. mais se seraient-ils déplacés? probablement pas plus que les fans d’adam sandler lorsque celui-ci joue dans un film distribué en salles. le comique américain n’est plus une valeur sûre au box-office (une condition qu’il partage avec will smith), mais il a apparemment assez de fidèles pour que les grosses comédies qu’il produit et interprète pour netflix constituent un produit d’appel capable de générer des abonnements. bright remplit la même fonction, tête de gondole difforme, qui brille de l’éclat un peu terni de sa star vieillissante. publié dans cinéma , economie du cinéma , hollywood , la critique est malaisée , télévision | marqué avec bright , david ayer , netflix , will smith | 33 commentaires 18 octobre 2017 , par thomas sotinel lumière 2017: paris 1980 vu du pont du nord bulle ogier dans « le pont du nord », de jacques rivette (1981) ©les films du losange il a fallu aller à lyon pour me souvenir de paris en 1980. le festival lumière a programmé le pont du nord, de jacques rivette. d’une part parce que les films du losange, producteurs du film, l’ont restauré, d’autre part parce qu’un hommage était rendu à jean-françois stévenin, qui, dans le film de rivette, chevauche magnifiquement une moto au long des rues d’une ville que j’ai peiné à reconnaître. si le pont du nord avait un scénario au sens commun du terme, ce serait la règle du jeu mystérieux auquel se livrent marie (bulle ogier) et baptiste (pascale ogier) dans les rues de paris. une carte de la ville découpée comme un jeu de l’oie (mais de toute façon les arrondissements de paris, numérotés en spirale en forment déjà un) indique le parcours à suivre. rivette le fait passer par des espaces qu’il déforme, juxtapose alors qu’ils n’ont rien à faire ensemble. et surtout il trouve, en cette dernière année du septennat de valéry giscard d’estaing, d’immenses champ de ruines qui pourraient faire croire que paris se relève à peine d’une bataille dont il fut le champ. la villette, bercy sont jonchés de débris, les démolisseurs s’activent en tout sens. a cet effacement du passé de la ville répond celui de la cité. le mcguffin du pont du nord est une serviette pleine de coupures de presse qui égrènent les noms de joseph fontanet, robert boulin, jean de broglie, ces morts mystérieux, symptômes d’un mal qui n’est jamais nommé. je ne sais pas ce que le spectacle de ce passé fantomatique provoquera chez celui ou celle trop jeune pour l’avoir vécu. le revoir, presque 40 ans après sa sortie, en 1981, inflige de drôles de tourments à la mémoire, qui se sent coupable d’avoir oublié des évidences, qui s’extasie de retrouver des sensations que l’on croyait disparues. au festival lumière, on peut explorer l’histoire du cinéma en se concentrant sur les zones blanches de sa mappemonde personnelle. c’est comme ça que j’avais découvert julio bracho, le réalisateur mexicain, il y a deux ans. on peut aussi revisiter ce que l’on a aimé puis oublié. tout le monde n’a pas la mémoire eidétique de martin scorsese, qui, quand il parle d’un film semble se souvenir du découpage de chaque scène. ce n’est pas grave. au gré d’une conversation sur ce thème, jerry schatzberg (le réalisateur de l’epouvantail est un habitué de lumière) disait: « il m’arrive de revoir mes films et de ne pas savoir ce qui va se passer ». le pont du nord est disponible en vod sur universciné. publié dans cinéma , cinéma français , festivals , patrimoine cinématographique | marqué avec bulle ogier , festival lumière , jacques rivette | laisser un commentaire 16 octobre 2017 , par thomas sotinel lumière 2017: guillermo del toro voyage dans le temps il ne me restait de cronos, vingt quatre ans après l’avoir vu à cannes, à la semaine de la critique, que quelques images flottantes: un vieillard inhumain, des rouages inexorables et une vague impression d’étrange. je n’avais pas écrit sur le film, pas deviné non plus que son réalisateur, guillermo del toro deviendrait l’un de mes cinéastes favoris. tamara shanath et federico luppi dans cronos, de guillermo del toro ©festival lumière cronos n’est jamais sorti en salle en france, il n’a pas été édité en dvd. je l’ai enfin revu à lyon, puisque la neuvième édition du festival lumière a fait de del toro l’un de ses invités d’honneurs. la semaine précédente, j’avais découvert the shape of w